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dimanche 25 avril 2010

Ordre professionnel : Nature Québec juge la proposition des ingénieurs forestiers inacceptable

Nature Québec estime que la réforme envisagée par l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) est aussi «inquiétante» qu'«inacceptable» parce qu'elle assurerait à cette profession des pouvoirs exclusifs dans des champs d'activité scientifique qui ne sont pas les siens, y compris la biologie.

Dans une lettre transmise le 24 mars au président de l'OIFQ, Denis Villeneuve — une lettre dont Le Devoir a obtenu copie —, le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, estime que le champ d'action des ingénieurs forestiers est abusivement trop vaste parce qu'il s'étendrait à tout le «milieu forestier».

Cette définition, écrit-il, «ferait en sorte que seul l'ingénieur forestier serait en droit de gérer tous les aspects d'un territoire dont on ne connaît pas la limite», soit probablement 1,4 million de kilomètres carrés.

«Ce "milieu forestier", poursuit M. Simard, relève tout autant de spécialités non exclusivement forestières, comme la biologie, la géographie physique et humaine, mais aussi la sociologie et l'anthropologie, etc., que de spécialités comme la sylviculture. Cette appellation généreuse permettrait donc à l'OIFQ de revendiquer la gestion des lacs et rivières, des tourbières et autres milieux humides, des paysages, de la faune évidemment, voire des relations avec les autochtones dont le territoire traditionnel couvre largement ce milieu forestier. Cet empiétement est très inquiétant d'autant plus qu'il est complètement blindé par les autres modifications proposées.»

Passant en revue les 12 aires de compétences que l'avant-projet de loi préparé par l'OIFQ attribuerait à ses membres, Nature Québec estime que «la majorité de ces activités est loin de relever de la compétence exclusive des ingénieurs forestiers, voire tout simplement de leur compétence».

Pour le groupe environnemental qui suit le dossier forestier depuis des décennies, «Aménager et gérer le milieu forestier, tel qu'il est défini, ne fait pas partie des compétences de base de l'ingénieur forestier quand il s'agit de la gestion hydrologique, faunique ou paysagère: ce n'est pas parce qu'on sait peut-être minimiser les impacts des coupes qu'on est aussi aménagiste paysager. Ou encore, ce n'est pas parce que l'orignal apprécie certaines jeunes forêts secondaires issues de coupes à blanc qu'on est forcément un aménagiste de la faune.»

Dossier noir
Nature Québec va plus loin en notant que la plupart des efforts de conservation réalisés au Québec l'ont été «contre la volonté d'un grand nombre d'ingénieurs forestiers». Si ces derniers avaient évalué dans le passé les conséquences de l'activité forestière, poursuit Christian Simard, «nous ne serions pas devant les problèmes forestiers que nous connaissons» et qui ont justifié la récente réforme forestière.

Nature Québec estime enfin que les ingénieurs forestiers ont signé tous ces plans d'aménagement à l'origine du dossier noir des forêts, et cela, sans que l'Ordre intervienne pour dénoncer ces pratiques destructrices, comme l'écrémage des forêts feuillues du sud de la province ou le déficit global de l'exploitation forestière à cause des distorsions introduites dans le calcul de la possibilité de régénération des forêts.

La proposition de l'OIFQ d'englober dans ses rangs, mais dans une logique de subordination, les biologistes qui travaillent aussi dans les «milieux forestiers» a soulevé un autre tollé dans les rangs de cette discipline qui revendique depuis des décennies un ordre professionnel pour mieux défendre le public et l'intégrité de ses évaluations environnementales.